Le crime :
Le crime eut lieu le jeudi 25 février 1864.
Monsieur de Lassalle était rentré de Carbonne où il avait rendu visite à une de ses soeurs.La première victime fût le cocher, Jean Lacanal qui trouva la mort dans l’écurie d’un coup de hache qui lui fendit la face de haut en bas.
Pélagie Bicheyre entendant un cri, se précipita dans l’écurie et à son tour fût frappée d’un coup de hache ; on trouva son bonnet en deux morceaux.Tout ceci fût fait rapidement et par surprise.
Un homme, à la rigueur deux hommes pouvaient suffire.
Il en fût différemment au premier étage où les deux autres victimes ;, Mr de Lassalle et Raymonde Bergé se sont débattus et ont lutté contre leurs assassins.C’est là que se pose la question : N’y avait-il vraiment que deux individus et comment les métayers qui étaient si proches n’ont-ils rien entendu ?
L’arrestation :
Jacques Latour, originaire de Sentein, dont les antécédents étaient peu favorables fût arrêté ainsi que son complice François Audouy, dit l’Hercule.Le premier fût condamné à mort et guillotiné en public comme cela se faisait à l’époque, le second fût condamné aux travaux forcés à perpétuité.
L’exécution de Jacques Latour :
Pendant la nuit du 11 au 12 septembre, Mr de Paris (c’est le nom donné au bourreau) a installé la guillotine vers le bas des allées de Villotte à Foix.Autour de la guillotine les Ariègeois étaient à l’affût.Par les ruelles étroites, par les routes, par les chemins de terre, ils accouraient en rangs pressés, heureux de voir le châtiment et de constater par eux-mêmes qu’ils étaient bien gouvernés.Quand le jour commença de se lever, un jour gris, bas sentant déjà l’hiver, on s’aperçut que tous les alentours étaient noirs de foule.Les troupes contenaient difficilement cette population avide et curieuse, où tous les rangs étaient confondus, où les bourgeois les plus timorés n’avaient pas craint de se mêler aux ouvriers en casquette, aux paysans en blouse et bérets, à la plèbe la plus basse, tous réunis dans le désir commun de voir mourir leur propre terreur.
A 6h30, un frisson courut.On annonçait l’arrivée de Jacques Latour.Réveillé depuis 5h30, il n’avait rien changé à ses habitudes et avait copieusement déjeuné d’un large beefsteak et d’un litre de vin rouge.Les gardiens le considéraient avec stupéfaction, mais nul n’osait s’approcher pour lui rappeler l’échéance fatale.Seul l’abbé Boy, aumônier de la prison se décida à tout braver.Il se montra timidement sur le seuil de la cellule : " Va t-en Lucifer..." cria Latour.C’est alors que le Directeur de la prison, fidèle aux instructions reçues, essaya d’obtenir quelques aveux.Le Condamné se retourna brusquement et cracha : "Tas de Cannibales, F.... moi la Paix" et il chantait.
On lui enleva ses fers.Pendant ce temps il disait : "Vous ne pourriez pas aller mettre la tête les premiers à la lunette de la guillotine pour voir si elle marche bien ?"
On descendit.On arriva à la grille de la prison où les gendarmes à cheval entouraient la voiture."Salut, les hirondelles de potence" cria Latour.Un silence énorme tomba, la foule glacée d’épouvante écoutait le monologue du bandit "Ah, ces gendarmes, quels braves gens, ils vont chasser le gibier pour Mr le Bourreau et ils le lui amènent bien gentiment au pied de la guillotine"."Que me voulez-vous avec votre fiacre, j’irai à pied".Il avança d’un pas "Bigre, non, il ya de la boue, je me salirais".Et les badauds massés sur les allées de Villotte virent arriver une voiture cellulaire escortée de gendarmes, sabre au clair.Dans cette voiture, Latour chantait "Tous les curés méritent l’échafaud".
Il était debout près de la portière, les prunelles en feu, hurlant de toutes ses forces derrière la vitre fermée.Les bonnes gens qui avaient pensé le voir marcher à la mort, repentant et vaincu, en demeuraient muets d’effroi.
En arrivant devant la guillotine, la voiture décrivit une courbe.Une vitre éclata.On perçut alors bien davantage la voix terrible brusquement enflée : "Ah, ventre bleu.Ah, ventre bleu, je F... Le Saint Siège au feu...".
Il semblait qu’on entendit plus que cela.
Seul dans ce matin sinistre, Jacques Latour avait gardé sa force et sa voix.Tous frissonnaient, quelques uns se signèrent, ils levèrent les yeux comme pour chercher si la foudre ne tombait pas.Latour avait sauté de voiture.Sans le secours de personne, il gravissait d’un pas leste les degrés de l’échafaud et rapidement marchait vers la bascule.Puis il jeta sur la foule un dernier regard dominateur, contempla sans frissonner le couperet qui commençait à luire aux lueurs du matin et entonna une Marseillaise de sa composition : "Allons pauvre victime, le jour fatal est arrivé".
Le bourreau fit un signe, on coucha le condamné sur la planche fatale, on introduisit sa tête hideuse dans la lunette mais il chantait toujours : "Contre toi, de la tyrannie, le couteau sanglant est levé".
Seul, le déclic de la guillotine empêcha d’entendre la suite.Nul ne bougea.Nul ne cria.Ils se regardaient tous, livides, ayant cru voir s’entrouvrir l’enfer.